L'appréciation du périmètre des 500 mètres et du critère de covisibilité

L’article L.621-30 du code du patrimoine prévoit que le périmètre de protection des abords d’un monument historique s’applique et est opposable aux autorisations d’urbanisme quand bien même il ne serait pas annexé au plan local d’urbanisme.

Le code du patrimoine poursuit en affirmant qu’en l’absence de périmètre délimité des abords (PDA) - c’est-à-dire d’un périmètre retravaillé de concert avec l’architecte des Bâtiments de France et la commune pour adapter ce dernier aux enjeux patrimoniaux et aux particularités locales - ce périmètre est de 500 mètres.

Le périmètre de 500 mètres est tracé à vol d’oiseau en tout point du périmètre protégé : qu’il s’agisse uniquement d’un immeuble bâti ou d’un ensemble (par exemple, un château et son parc).

En application de cet article, le Conseil d’Etat, dans un arrêt récent  (05 juin 2020, n°431994), précise que : ne peuvent être délivrés qu'avec l'accord de l'architecte des Bâtiments de France les permis de construire portant sur des immeubles situés, en l'absence de périmètre délimité, à moins de cinq cents mètres d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, s'ils sont visibles à l'œil nu de cet édifice ou en même temps que lui depuis un lieu normalement accessible au public, y compris lorsque ce lieu est situé en dehors du périmètre de cinq cents mètres entourant l'édifice en cause. 

Seuls les projets visibles depuis le monument historique ou visible en même temps que lui depuis un point tiers à moins de 500 mètres de celui-ci sont concernés par la protection au titre des abords.

A travers cet arrêt, la Haute Juridiction confirme que ne sont concernées par l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France, que les autorisations d’urbanisme qui cumulativement :

  • Se situent à 500 mètres ou moins d’un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques ;
  • Sont visibles à l’œil nu depuis cet édifice ou en même temps que lui depuis un lieu normalement accessible au public, y compris lorsque ce lieu est situé en dehors du périmètre des 500 mètres.

Source : Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de LorraineSource : Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Lorraine

La jurisprudence administrative précise également en termes de covisibilité que les parties intérieures d’un édifice qui sont protégées au titre des monuments historiques (par exemple une fresque) ne génèrent pas de protection des abords de ce monument historique. En effet, seules les composantes visibles depuis l’extérieur permettent d’entretenir un lien visuel et donc un contrôle des abords (Conseil d’Etat, 30 septembre 1998, n°153077).

Enfin, il est rappelé que l’appréciation du lien de covisibilité relève de la seule compétence de l’autorité administrative en charge des abords des monuments historiques – c’est-à-dire l’architecte des Bâtiments de France. L’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme, n’a pas à apprécier elle-même cette covisibilité (Conseil d’Etat, 14 avril 1976, n°97807).


La portée de l’avis de l’architecte des Bâtiments de France en absence de covisibilité

En préambule, rappelons synthétiquement qu’un avis conforme de l’ABF lie l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme (généralement la commune), c’est-à-dire qu’elle est tenue de le suivre.

A l’inverse, un avis simple éclaire simplement l’autorité compétente dans la délivrance de l’autorisation d’urbanisme. Si un avis conforme défavorable entraîne nécessairement un refus l’autorisation d’urbanisme, un avis simple défavorable ne s’oppose pas à ce qu’elle soit délivrée.

Il est de jurisprudence constante qu’en l’absence de covisibilité, l’avis de l’architecte des Bâtiments de France est simple (Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 19 novembre 2020, n°19VE00288). A ce titre, le juge exerce un contrôle normal de la portée de cet avis et va vérifier la matérialité de cette covisibilité (encore récemment dans un arrêt du Tribunal administratif de Strasbourg, 7ème chambre, 12 janvier 2023, n°2101045).

Le juge administratif peut alors censurer l’arrêté délivrant ou refusant une autorisation d’urbanisme lorsque la portée de l’avis est mauvaise en considérant que ce dernier « est entaché d'un vice affectant la compétence de la commune […] de nature à l'entacher d'une illégalité de nature à entraîner son annulation par le juge administratif. » (Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 19 novembre 2020, n°19VE00288).


La procédure de dépôt d’une autorisation d’urbanisme et la contestation de l’avis de l’ABF

Dans le cas où l’avis conforme de l’ABF serait illégal (sur sa portée comme sur le fond), un recours préalable devant le préfet de région est indispensable (CAA de Marseille, 13 novembre 2018, 18MA02269).

Lors du dépôt d’une demande d’autorisation d’urbanisme, celle-ci sera automatiquement transmise par l’autorité compétente (la commune) à l’architecte des Bâtiments de France. En effet, il ne revient pas au maire d’apprécier l’existence de la covisibilité.

L’architecte des Bâtiments de France rend alors un avis simple ou conforme selon son appréciation du critère de covisibilité. Cet avis est transmis à l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme.

En cas de refus de l’autorisation d’urbanisme pour avis conforme défavorable de l’ABF, il est nécessaire de former - dans les deux mois à compter de la notification du refus de l’autorisation d’urbanisme - un recours préalable à l’attention du préfet de région, lui expliquant l’absence de covisibilité et la nécessité, pour l’ABF de formuler un avis simple. Le préfet pourra alors infirmer ou confirmer la décision de l’ABF.

Si le préfet de région infirme la décision de l’ABF, l’autorité compétente (la commune) devra statuer à nouveau sur l’autorisation d’urbanisme. Si jamais cette dernière s’opposait à nouveau à l’autorisation d’urbanisme sur un autre motif, il sera toujours possible de contester ce nouveau refus devant le juge administratif.

Si le préfet de région confirme la décision de l’ABF, c’est le refus de délivrance de l’autorisation d’urbanisme initiale qui pourra être contesté devant le juge administratif.

Il est à noter qu’en cas d’avis simple uniquement de l’ABF, le recours préalable devant le préfet de région n’est pas nécessaire.

Maître Loïck BENOIT, avocat associé, analyse cette covisibilité, l’ensemble des pistes de solutions qui peuvent vous être apportées et vous éclaire sur la stratégie à mettre en œuvre pour que vos projets puissent voir le jour.

En matière d’autorisation d’urbanisme en périmètre de protection des abords des monuments historiques, n’hésitez pas à consulter stratem avocats et Maître Loïck BENOIT, avocat associé.

 

Haut de page